La semaine de 4 jours dans la fonction publique : cadre juridique et enjeux pratiques

Droit Public
Publié le : 3 avril 2024

Analyse juridique et enjeux pratiques de l'expérimentation de la semaine de travail en quatre jours lancée par le Premier Ministre Gabriel Attal, alors que Grenoble-Alpes Métropole dresse le bilan de sa propre expérience lancée il y a deux ans.

Photo d'un ordinateur portable ouvert

Flexibilité, qualité de vie au travail, équilibre vie pro/vie perso, renforcement de l’attractivité du recrutement, fidélisation des collaborateurs, augmentation de la productivité : la semaine « en » quatre jours selon les termes du Premier Ministre Gabriel Attal a récemment séduit ce dernier qui a lancé son expérimentation dans le cadre des administrations centrales et déconcentrées, ce qui représenterait 655.000 fonctionnaires. 

La semaine de quatre jours s’organise en une compression du temps hebdomadaire de travail en 4 jours au lieu de 5, donc elle n’implique pas de réduction du temps de travail. Pour un fonctionnaire travaillant 35 heures par semaine, soit 7 heures sur cinq jours, cela se traduit par des journées de 7h45, sur 4 jours. 

S’agissant des collectivités territoriales, certaines l’ont également expérimenté comme Grenoble-Alpes Métropole ou encore la métropole de Lyon. Grenoble-Alpes Métropole a en effet proposé à ses agents, depuis presque deux ans, des cycles de travail sur 4 jours et demi ou en alternant 4jours/5jours. 

I. Le cadre légal et réglementaire de l’organisation du temps de travail des fonctionnaires :

Cette expérimentation avait été proposée par Grenoble-Alpes Métropole dans le cadre de la loi n°209-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique imposant notamment en son article 47 le respect, par les collectivités territoriales, leurs établissements publics et ceux auxquelles elles sont rattachées, de la durée légale de travail de leurs agents publics à temps complet, à savoir 1607 heures annuelles.

L’article L.611-2 du code général de la fonction publique et le décret n°2001-623 du 12 juillet 2001 pris pour l’application de l’article 7-1 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale ont fixé des limites : 35 heures par semaine sous réserve des heures supplémentaires dans la limite de 48 heures par semaine et une durée quotidienne de travail ne pouvant excéder 10 heures. Le régime de la fonction publique d’État prévoit les mêmes limites que la fonction publique territoriale, au sein du décret n°2000-815 du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique d’État. 

S’agissant de la fonction publique hospitalière, une spécificité doit être relevée par rapport aux régimes de la fonction publique d’État et de la fonction publique territoriale puisque le décret n°2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l’organisation du travail dans les établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière prévoit qu’en cas de travail continu, la durée quotidienne de travail ne peut excéder 9 heures pour les équipes de jour et 10 heures pour les équipes de nuit.

En outre, le décret n°2021-1544 du 30 novembre 2021 relatif au temps de travail et à l’organisation du temps de travail et à l’organisation du travail dans la fonction publique hospitalière est venu apporter certaines précisions, parmi d’autres, sur la durée du repos quotidien pouvant être fixée à 11 heures consécutives. 

Sur cette base réglementaire ainsi qu’après avoir procédé à une concertation avec les parties prenantes (webinaires, réunions, ateliers de travail, rencontres sur sites, lettres d’informations, plaquette informative), plusieurs modèles de cycles de travail ont été élaborés par Grenoble-Alpes Métropole, avec une répartition du temps de travail modulée notamment grâce à une variable d’ajustement intéressante : les RTT. 

Généralement, dans le cas des collectivités locales, les cycles de travail sont définis par délibération après avis du comité social (certains centres de gestion de la fonction publique proposent des modèles en ligne de délibérations). La délibération fixe la durée du cycle, les bornes quotidiennes et hebdomadaires et les conditions de repos et de pause. Les horaires de travail sont définis à l’intérieur du cycle de travail de manière à ce que la durée annuelle du travail respecte la durée légale. La durée de travail peut varier d’une semaine à l’autre à l’intérieur du cycle en cas de cycles de plusieurs semaines.

La circulaire du 31 mars 2017 relative à l’application des règles en matière de temps de travail dans les trois versants de la fonction publique a par ailleurs rappelé l’existence depuis 2013 de « chartes du temps prenant en compte les nécessités d’organisation du travail et les souhaits des personnels, en concertation avec les représentants du personnel et l’encadrement ». Ces chartes n’ont pas vocation à se substituer aux cycles de travail mais ont pour objectif d’associer étroitement les agents publics et leurs représentants à la mise en œuvre de la réglementation du temps de travail, pouvant constituer alors un véritable objet de négociation entre les organisations syndicales de fonctionnaires et les employeurs. 

II. Les enjeux pratiques relatifs à l’expérimentation de la semaine de 4 jours dans la fonction publique :

L’expérimentation relative à la semaine de 4 jours fait donc émerger plusieurs enjeux à conjuguer, notamment dans les collectivités locales : nécessité d’une volonté politique favorable et d’une impulsion des ressources humaines, souplesse dans l’organisation du travail sans aboutir à des « usines à gaz » devant déjà jongler avec les temps partiels et le télétravail, gestion de la charge mentale des journées rallongées, maintien du lien social, le tout devant s’inscrire dans le respect des impératifs réglementaires précités tout en assurant une gestion des risques de contre-productivité, de rigidité, d’inadaptation du système à certaines spécificités métiers (spécificité des missions de service public qui avait été relevée dans la circulaire du 31 mars 2017 précitée)… et surtout le maintien de la continuité et de l’efficacité du service public. 

Grenoble-Alpes Métropole a finalement recensé 1 agent sur 5 étant passé sur des cycles de travail de 4 jours et demi et ce passage n’aurait pas beaucoup concerné les agents qui travaillaient initialement sur la base d’un rythme hebdomadaire de 39h. 

S’agissant des administrations centrales et déconcentrées, le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques a publié une note précisant les conditions de l’expérimentation de la semaine « en » 4 jours voulue par Gabriel Attal : volontariat et réversibilité toutefois relative (en cas de changement de situation personnelle de l’agent et que si le retour aux cinq est « compatible avec l’organisation du service » et après un préavis) et l’expérimentation concernera uniquement les services fonctionnant sur cinq jours.

Le télétravail sera limité à deux jours voire un « si le fonctionnement des services l’impose ». Une réduction (ou une suppression) du nombre de jours de RTT en échange d’un jour non travaillé pour les agents en forfait jours est également envisagée. 

Certains syndicats de la fonction publique ont regretté quant à eux l’absence de dialogue social préalable à la mise en place de cette expérimentation, alors même qu’un nombre important de fonctionnaires plébisciteraient ce changement de rythme vu comme une compensation intéressante dans les cas de télétravail impossible (conditions matérielles insuffisantes, fonctions incompatibles, etc.)

Enfin, une grille de critères va être publiée pour évaluer les impacts de la concentration du temps de travail, notamment en termes de performance du service ou encore d’égalité professionnelle et environnementale. Les collectivités locales qui souhaiteront mettre en place la semaine « en » 4 jours pourront quant à elles être associées à l’évaluation.

Mégane BASSET

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